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L'interstice

22 octobre 2017

Mourir de rire

 

 

Sur le thème "14-18...l'horreur... et pourtant, parfois, des rires aussi..."

organisé par l'association" Histoire et patrimoine du Haut Cailly"

https://sites.google.com/site/assohphc/evenements/les-projets-de-l-association/concours-litteraire-2016 

 

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Ma tête contre la tête du Boche, je peux enfin souffler. L’assaut à travers les barbelés a été plus long que prévu.  Et pourtant, je suis pas arrivé jusqu’à leur tranchée, la faute à ce maudit schleu qui m’a fait glisser. Me voilà vautré dans la boue, dans la terre à personne, et empêtré dans celui que je viens de tuer.

P’ti Louis me semble bien touché à quelques mètres de moi. J’en vois des nôtres qui sautent dans leur boyau, et derrière, les officiers doivent gueuler pour qu’on avance encore. Je m’entends à peine penser, ça tire de tous les côtés, je vais pas pouvoir bouger de sitôt sans me faire décaniller.

J’ai peur. Je me suis bien dégourdi en courant, c’est les seuls moments dans cette foutue guerre où j’ai pas peur. Les heures d’attente sont horribles, et c’est pas les litres de gnole qui y changent quelque chose. Je sais pas si on peut vomir sa peur, pour se dénouer le bide, mais je sais qu’elle ne s’arrêtera qu’avec une balle, un obus ou je sais pas quelle saloperie qui me tuera.

 

            Et c’est pour bientôt.

 

Quand je cours au moins, j’ai le temps de penser à rien, qu’à canarder et avancer, mon cœur bat la chamade, et les balles sifflent.

 

La moustache de mon boche me rentre dans les oreilles, j’essaye de le retourner, mais il est gras comme un cochon. C’est pas chez nous qu’on voit des bonhommes comme eux, avec ce qu’ils nous donnent à becqueter! Et puis, c’est un gratte-ciel, comme la plupart d’entre eux. Ça me rappelle l’histoire du Prusco de l’occupation de 70 qui devait baisser la tête pour rentrer dans l’église, c’est les vieux qui la racontaient. Ils voulaient même lui faire payer deux places s’il se décidait à prendre  l’omnibus. Pourquoi je pense à ça maintenant? C’est vrai qu’on rigolait bien avant…

 

Je veux bouger mais je glisse, il doit y avoir un demi-mètre de boue dans ce charnier. Et en tombant, j’en ai déjà avalé quelques litres. Son œil est à dix centimètres du mien, il a pas l’air mort, il a l’air encore furieux. Moi, je supporte pas ce regard. Je me raidis et d’un coup de nez dans sa pupille toute bleue, je lui ferme son œil de boche pour toujours.

A côté, j’entends plus P’ti Louis gémir. Quand je pense au foin qu’il a fait pour être incorporé…avec ses 1m54, il faisait pas la maille, il a dû tricher et se mettre sur la pointe des pieds! Il doit en avoir fini maintenant…ou bien il préfère crever en silence. Ou bien j’en ai tellement pris plein la gueule que je suis devenu sourd…j’entends plus rien?! Pourtant, ça doit encore tirer de partout. Je suis sourd? Hein? Je serais sourd? Pas possible!! Est-ce qu’on va me démobiliser pour surdité? J’espère comme un dingo…Je sursaute: un pet long et humide s’échappe du fridolin, et me rends mon audition. En d’autre temps ça m’aurait fait marrer. Aujourd’hui, j’ai peut-être perdu une occasion de m’en tirer à bon compte.

De toute façon, je suis même pas sûr qu’ils nous renvoient chez nous pour surdité.

 

Les heures passent, ça canarde, mais aucun des deux camps se décide à avancer. Je vois P’ti Louis qui tourne la tête vers moi. C’est qu’il est résistant, le bougre. Il rigole en me voyant ! Faut dire que même ici, il a l’alcool joyeux. Avec ce qu’on s’est mis avant l’assaut, ça va lui faire une belle gueule de bois si il survit!

Il va bientôt faire nuit, et je peux toujours pas bouger de mon abri, si on peut appeler ça un abri. Enfin, ici, je suis bien garé, difficile de me prendre une balle. L’angoisse me tenaille la panse. Je vais devoir crever ici, et si c’est pas aujourd’hui ce sera pour demain.

Je gamberge toujours quand je suis inactif, mais là, pas moyen de tenter une sortie. Je tourne un peu la tête pour me dégourdir la nuque. Ça devait être un étang, en contrebas. On en a fait une énorme marre de boue. Les derniers rayons de soleils- peut être les derniers que je vois- lui donne une couleur bizarre.

Ca fait presque beau. Ils ont raison, les autres de dire que je suis un peu piqué. Je crois que je suis plus trop en moi, c’est quand même fou d’être à la guerre et de penser à la beauté de  la lumière sur un lac.

 

Les corbeaux profitent qu’il fait encore clair pour bouffer sur les cadavres. Ce qu’ils sont gras! C’est eux les plus heureux de la guerre, ils sont encore mieux nourris que les frisés. Je me demande comment ils font pour séparer la chair de la boue. Ils s’envolent avec le bout viande tout marron et après… Mais…saleté de corbin!! Voilà que ça m’a chié dessus! C’est toujours mieux que de prendre une marmite sur le casque. Ca fait se poiler P’ti Louis.  Je crois que lui aussi commence à déraisonner.

 

Leur clairon se mets à sonner. C’est vrai qu’ils ont leur popote plus tôt que nous, les boches. Leur clairon est faux, c’est moche! Au moins,  chez  nous on avait de sacrés musiciens, à notre Fanfare de l’Avenir! Surtout P’ti Louis, ça doit lui écorcher les oreilles une sonnerie aussi minable. On en a bu de ces coups en les écoutant, à la foire! P’ti Louis régalait au trombone, et nous on le faisait rager en vidant nos verres pendant qu’il jouait. Une année ça a même faillit finir en grabuge! C’était l’année du  montreur  de monstres qui nous avait énervé parce qu’il n’avait qu’une femme à barbe, un fakir et un géant. Les vieux disaient qu’il était pas plus grand que le Prusco de 70: tout juste si ses pieds touchaient par terre quand il montait son poney. La femme à barbe ressemblait à ces femmes ridicules déguisées en soldat sur les affiches. Il n’y a que le fakir qui était vrai, mais on l’a su qu’après parce qu’il ressemblait aux indiens des troupes anglaises qui ont stationné au village. Il y avait un ours aussi, un singe qui avait un casque et des clochettes. Il le faisait se battre avec une poule. P’ti Louis lui a dit que c’était ridicule et il a lancé son chien pour qu’il se batte avec le singe. Mais il n’a pas eu le temps d’attaquer, à cause de l’orage qui s’est déchainé. Ca soufflait de partout, d’un coup un ruisseau de boue a ravagé le village, les rats sont sortis, tous les animaux sont devenus fous. Les pigeons de la société colombophile se sont échappés et attaquaient l’ours. Le singe s’accrochait à la barbe de la femme, le géant tenait le fakir qui a failli être emporté. Les chiens se jetaient sur les saucisses, les chats nageaient à contre-courant.

Et moi je me vautre dans la boue qui ruisselle, je me vautre avec les rats, dans les immondices du village, je bois de la boue, je m’enfouis, je mange tout ce qui passe à ma portée, entrecôtes, escalopes, tourtes, que je vomis aussi sec, j’ai chaud, je me défrusque dans la boue, ça me rentre de partout, elle me protège, elle me lessive, j’en bois encore, elle a le gout du raisin, le chien de P’ti Louis vient avec moi, se colle à moi, me lèche sous les bras, je ris, je ris.

 

Un rat.

 

C’était un rat qui est rentré dans ma manche. Ça m’a chatouillé et réveillé. J’ai pas dû beaucoup dormir mais j’ai rêvé du village, de la foire. Et c’était bon de revenir à Cailly.

 

La nuit commence à tomber. Avec ce que j’ai transpiré j’ai froid,  je suis trempé de ma sueur mêlée à celle du Fritz. Sa capote a l’air bonne, heureusement que je vise juste, ça évite d’abimer le matériel. J’arrive enfin à retourner ce gros tas sur le côté, et je sors son bras boudiné de la manche. Impossible de trouver un appui stable dans cette marre de boue, mais au bout de longs efforts, je peux lui faire faire un tour complet et lui enlever l’autre côté. Hé, hé, ça y est j’y suis: toujours couché pour ne pas attirer l’attention, même si les tirs se sont calmés, je me glisse dans sa capote, trois fois trop grande pour moi.

 

Ca y est, ils commencent avec les fusées éclairantes…mieux vaut faire le mort dans la lumière, je pourrais toujours bouger dans le noir. De toute façon, uniforme allemand sur le dos ou pas, je suis couvert de boue. Les nôtres me canarderont à coup sûr si je me replie. Je vais essayer de ne pas m’endormir et de tenir jusqu’à l’aube.

Pour l’instant tout à l’air tranquille, quelques tirs quand ils éclairent, et c’est tout. Je somnole entre deux fusées. Je suis réveillé en sursaut par des bruits de sabots. J’aperçois un énorme bœuf qui m’arrive dessus. Ils lui ont mis un casque à pointe, au bestiau!!, je sors le fusil et le canarde mais il continue sa cavalcade. Il doit bien faire deux mètres  au garrot, ce monstre. On dirait que mes balles lui font rien. Je me lève dans le noir, son casque se met à briller comme un lampadaire!!, et sous ses pattes il y a une troupe entière de petits frisés!! des Boches nains!! On aura tout vu. Je cours vers eux, je hurle, je canarde, je saute, je canarde, je pleure de rage, je canarde et je ris, je ris…

… Et puis plus rien.

     

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21 octobre 2017

Idγlle estudiaŋtine

 

 

Concours de nouvelles de science fiction

 

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Emergeant d’un néant blanc et profond, l’esprit de M%sh retrouva progressivement une conscience limpide. La mise en veille avait été aussi dense qu’un algorithme et la transition douce comme un lissage gaussien. Il se réveilla heureux d’avoir enfin fini sa huitième année et nerveux à l’idée d’attaquer la neuvième. C’était l’année du grand saut dans le monde de l’Université, la dernière avant le Travail, celle où il allait devoir donner la pleine mesure de son intelligence. Il espérait que ses ennuis de santé étaient maintenant derrière lui et qu’il aurait la force d’affronter cette étape décisive où il allait devoir penser seul, sans l’aide de sa mère. Bien sûr, il savait ce qui l’attendait depuis longtemps déjà, mais il lui semblait que les évènements s’enchainaient à une vitesse vertigineuse.

Le cours des existences s’était tellement emballé ces dernières années que le temps ne semblait plus avoir d’impact sur la vie. Son père avait commencé ses études à onze ans, et il était précoce pour sa génération. Il lui manquait. Ses méninges s’agitaient douloureusement quand il pensait à lui. Il avait pourtant eu une fin paisible. Il avait dix-sept ans, il avait fait son temps. Accablés de tristesse, ils avaient pu être ensemble jusqu'à son dernier souffle. Sa pensée était restée pure jusqu’au bout. Il s’en était allé tout doucement, diluant lentement sa conscience dans la sérénité du néant.

Ses problèmes avaient débuté peu de temps après le décès. Les médecins de la Communauté s’étaient penchés sur son cas sans pouvoir établir de diagnostic. Soudain, il perdait le contrôle de lui-même. A trois reprises, ses crises l'avaient laissé dans un état très critique. Personne ne connaissant cette maladie, aucun traitement n'avait été envisagé. Heureusement, sa mère avait toujours été présente en lui, et elle avait pu l’aider à réguler ses soucis au point qu’il pouvait accéder à l’Université comme tous ceux de sa génération. Mais le règlement était formel : à partir de huit ans, il fallait penser seul, aucune aide extérieure n’était tolérée par la Communauté. C’était l’heure de l’indépendance, son esprit ne serait plus enveloppé et protégé en permanence par Maman. Il lui faudrait faire sans celle qui avait été si douce avec lui, qui avait créé puis éduqué ses neurones, qui l’avait encouragé à se détacher progressivement de son aura, le laissant générer peu à peu une raison personnelle, une conscience propre, un imaginaire intime, tout ce dont son cerveau avait besoin pour affronter le monde extérieur. Mais surtout, c’était la seule qui savait comment le calmer et apaiser ses tensions cérébrales. Il allait devoir se débrouiller sans son pare feu télesthésique naturel.

Maintenant qu’il était seul, son esprit lui semblait aussi vaste qu’une méditation transcendantale et aussi vide qu’une doctrine totalitaire. Il avait peu de temps pour en explorer tous les recoins et découvrir une partie de sa vraie nature. C’était tout aussi grisant qu’effrayant, il sentait toute la puissance de son potentiel créatif et analytique en germe prêt à accueillir le flux de la connaissance pour se manifester.

 

L’heure de la connexion avec le Doyen de l’Université approchait et M%sh nerveux, sentait ses cortex sensoriels s’agiter. Pour l’instant il gardait le contrôle; il pensait à son père, à son flegme face à des situations bien plus compliquées que la sienne aujourd’hui.

Quand la liaison débuta, il était à peu près calme. Le Doyen expliquait les détails du cursus aux nouveaux étudiants. M%sh allait découvrir les disciplines disponibles. C’était la première fois qu’il était en contact avec un intellect aussi puissant que le Doyen, capable de communiquer avec des foules entières. Il devait rester très concentré car l’échange serait bref pour ne pas trop fatiguer ses jeunes et fragiles neurones. Il lui faudrait faire le bon choix. La recherche allait très vite, les cursus étaient épuisés en quelques jours, il fallait trouver celui qui serait le plus prometteur pour pouvoir s’engager dans la bonne voie professionnelle.

Il fut tout de suite saisi par la pensée vigoureuse et complexe du Doyen, qui se déployait en de multiples ramifications dans une arborescence très touffue. Tout son esprit devait s’employer pour suivre ces raisonnements. Il était aussi très impressionné par le fourmillement cérébral silencieux de la centaine d’étudiants avec qui il était connecté. Il se faisait tout petit, évitant le plus possible de générer des signaux involontaires. Le Doyen énumérait les nouveaux cursus : cosmocybernétique appliquée, phosphorologie pratique, émanation subtemporelle, écosismologie ambiante des synapses, paratechnologie postcataclysmique…

M%sh ne connaissait aucun de ces domaines. Chaque jour apportait son lot de découvertes décisives pour l’humanité, et en seulement quelques dizaines d’heures d’études, le cursus était achevé grâce aux formidables capacités intellectuelles de sa génération.

Le discours du Doyen terminé, M%sh pu déconnecter et se reposer un peu. Sa mémoire cache débordait et éclaboussait son cortex d’informations non traitées. Il avait peu de temps pour y mettre de l’ordre avant d’exprimer ses choix. Il essaya d’imaginer ce que son père lui aurait conseillé, mais aujourd’hui il était seul. Il fallait faire vite, il hésitait, aucun cursus ne lui inspirait confiance. Il doutait de pouvoir être à la hauteur face à des études aussi complexes.

Il décida un peu au hasard et informa le Doyen :

- J’ai choisi la paléotextologie. Bien ! Vous commencez tout de suite, vous serez en binôme avec Ma3lia. Objectifs : finir le cursus en deux jours tout en développant vos allers-retours entre pensée intime et extime.

 

 

-JPP 2 ce text!

-1posibl a fer! askip, c l + dur 2 tous

-jsp kwa dir 2su moa ! c 1 truc de viE!

-l’s tomB on va 2manD a Grom

-Dak entouK j rest oklm j fé rien yolo!

-Msk j’lé perdu

-jeteléDjadi 2 fer D sauvegarde C pa grave j te l envoi

-ayé j lé recu j lui text

- Ce matin l'idée m'est venue pour la première fois, que mon corps, ce fidèle compagnon, cet ami plus sûr, mieux connu de moi que mon âme, n'est qu'un monstre sournois qui finira par dévorer son maître.*

 

-Je crois qu'il nous a donné un texte délicat… qu’en penses-tu ? Le début est plutôt simple mais sur la fin, je ne comprends plus rien du tout ! Deux jours pour démêler ce charabia, cela me semble bien court. Ne t’inquiète pas, on va finir par y arriver. Je ne suis pas inquiët, mais nous n'avons pas de temps à perdre.

Je dois rester concentré. L’étude est plus difficile que ce je croyais… Heureusement que Ma3lia a l’air plutôt confiante. J’adore sa pensée, elle est pure comme un pixel transparent, et fraîche, et gracieuse, élégante comme dans un rêve lumineux et bucolique. C’est bizarre, ce qui se passe dans mon cortex insulaire, on dirait que mes nεurones crépitent. Je dois me calmer. Ce cursus est vraiment important, il ne faut pas décevoir la Communauté. De toute façon, maintenant que j’ai son contact, dès la fin des études, si on veut, nous pourrons continuer à communiquer tous les deux.

-Franchement, je comprends pourquoi on a abandonné l’écriture, c’est beaucoup trõp complexe. Mais non, ce n’est pas si compliqué, c’est juste que nous devons nous habituer. Oui, mais cette leçon dure à peine deux joúrs, c’est trop court. Je suis d’accord mais si on a une bonne note, dans une semaine, nous aurons notre diplôme en poche, et finies les études. Tu sàis déjà ce que tu veux faire, toï ? Non, pas vraiment c’est assez vague pour l’instant. Mϕi, c’est parêil. Allez, on y retourne ? D’acco®d.

Il faµt bien que je gère tðutes ces ñouveautés : la paléotextologie, Ma3lia… Espér¤ns que nous réali§erons un travail brillant. Nous pourrions être célèþres tous les deux dans cette nouvelle mątière, et nous n’arŗeterions jaɱais ȡe penser ensemble...

-On dirait que la deuxième partie est codée de façon plus complexe que la première, qu’en penses-tu ? C’est vrai, țu ᶐ raiᵴɵn. Vu ce que dit la troisième ligne, la dernière phrase a sans doute été écrite bien avant les autres. Ṯu veṹx dire, que ṉous aurions ȶrouvé ḑes écrits ᶈlus ӑnciens que les SMS ? Pourquoi pas… les premiers SMS ont été découverts seulement la semaine dernière, rien ne dit que ce sont là les débuts de l’écriture… Tu ne crṏis pas qu’ὃn devrait avertir le Ðoyen pour qu’il ᾓous aide ? Je suis sûre que nous pouvons y arriver sans lui, le Doyen est un génie, c’est évident mais essayons tous les deux, cela vaut la peine.

Qu’ ἔst-ce quἴ se passε aujour&’hui ? J’ąi l’imprešsion ḋe me peŕdre daņs les méānḍres de mớn ešp®īt. La liăison ave© Ma§£ia m’ҽᵯḃᶉɵuiɭlᶓ. Mẽs émỡtỉons sẽ heữrtẹnt à mạ ráišon, ấu risquẹ‌‌ đe pếrtưrbễr  tỏut mỗn ếquíļibre mệntãł. Il mê fặut ắffrờnt€r čet ếtat đ’âme ¢ommệ ûn ašcète en défrågmềntation, ρoᶙѓ rềtrouver mà cθncentration. Ƈőmment me re§saisir ?...

 Incróỷable ! Pöur la premiẽre fớis depửis  biẹn lỏngtemps, je n’aỉ pặs peñsé à Pặpa. Qu’aữrait-iļ fait à mặ plaće ? ȡiffičíle ă điŗe... iɭ ằurait saʼns dởute cĥerchē à reŧrợuver sệs esքriէs. Ƀon, récapitulőns : la semaỉne derniềre, on đécouvrait les prẹmiers đisques durs pré-cataclỵsmiques, d€ux jöurs plus tard le Re¢teur perçặit les secrẹts đe l’écrịture SMS, le lenđemain (łe jour de mes ħᶙit ans et de mợn inscription à l’Universîté) le Doỷen intégrait au cựrsus la sectiộn de paléotextoļogie.

-Iɭ doit y avɵir des cớrrespondậnces entre ļes sýstèmes d’écrĩtures đe chaque partịe. Il nous faut trouver le moyen de décoder la deuxième à l’aide de la première... ma base de données intime me suggère que « idée » pourrait être l’ancêtre de ID. Ȼ’est dếjà un bồn đébut. J’en ai un autre : « matin » aurait donné « mat1 »… tu as remarqué qu’il n’y a aucun chiffre dans la partie finale, peut-être qu’ils ont été inventés en même temps que les SMS. C’ëst pøssįble ēn effėt. Les différences de styles sont vraiment bizarres, autant le SMS est épuré, autant l’autre est ampoulé et alambiqué.

 « Ampøulé »… « alåmbiqué »… ełle éčhange avec ūne telļe fluidité, êlle choîsit tøujóurs les tërmes jústes, sä pensée jåillìt cðmme ūne intuītion ïnopinée, č’est sį þeau… mais møi… īl fàüt qµ* j& reÞöse un pëu m■n ešp®īt.

Ǭu’ɇȿt-če ɋȕi ɱ’ảɍriʋɕ ? Ɉe nề mẫìtríȿe plưs rỉen. Quēļque chớse pārt dư płus prơfờnd đe mọi ẹt mỡntë, mờñtễ čomme đes rệminỉscences ancestr@les. Pỡurquoi personnẹ ne m’ạ jamais rìen dit sur ce gềnre de probłềmes ? Č’est dur d’avoir ȟuᶖt ans, et jệ suis tóut seul ! Ựne seuļe chờse est sûre, č’est depuỉs que je coñnais Ma3lia que je sưis dans ¢et ệtat !

-Et « corps », tu comprends ce que ça que veux dire, toi ? Nồn, pẳs dụ tọut. C’est étrange, c’est un des seuls mots de la fin du texte qui a trois consonnes qui se suivent, « corps » est peut-être commun aux deux langages. Pợssíbłe… îl ſauđrặit qûẽ…

-M%sh, mon fils ! Mamán ? c’est tøi ? pɵuŗɋᶙoi tü m’aš interrompú ? Oui juste un instant je voulais savoir si tout allait bien. Mãis, Maman tữ saỉs bien qưe łe protocờle interdit que nouš ñous connếctions pendẫnt mon cursus, et puís… Mais, M%sh, tu es sûr que tout va bien ? Mặis oui, Maman, tout và très bien ! Bon, bon d’accord, c’était juste pour te faire un petit coucou, mais tu es bien sûr que ça va ? Mạman, j’ai huit ans, je peux me débrouiller seul maìntenant, tu me déranges, je suis occupé et si le Doyen l’apprẻnd… Ne t’inquiète pas, j’ai été discrète, je m’en vais tout de suite, mais fais attention à toi !

 

-M%sh tu es là ? Ởui, excuse-moi, un prỡblème de cớnnexion sẫns doute… où ẽn étions-nouš ? « Corps » nous pose des problèmes. Ặh oưi ! Ẳłorš, iļ ſaût p€ut ếtre ¢hẽrchẹr đans nos ßases đe doñnées.

Ỉmpossißle d’ouvrìr cette satặnée base đe dồnnées… vợilà, je sủis ɓloɋᶙě dặns ɱon irréắlité incȭnscíente ɨnʂtåϸle, ¢’est lã fļuidịté et la tẽnđresse de ses connexîons qui m’aßsorbent. Où ešt pӑᵴᶊě ᵯɵn cừrsus ? ił ᶁɵiț êȶrᶓ perđu ɋueɭqᶙɜ pӑᶉt ẫu ſonđ de mẵ cộnscience.

-kEr, orEr, spor, voilà ce que j’ai trouvé de plus proche mais rien qui ne puisse traduire « corps ».

Je mẹ ſous đe cệ que vểux dỉre « corps », « compagnon » ỡụ « monstre sournois », je ñe vẹụx jušte płus être cỡinčé ềntre ļes đéchargếs sặúvages de mẻs n€urones et ᶁes raîsonחeмenтs sưr l'écгiturэ.

-Nous avons encore des mots difficiles comme « monstre », « âme » ou « maître », à croire que si la première partie est bien la plus ancienne, la syntaxe s’est simplifiée au cours du temps. C’est quand même bizarre qu’une civilisation comme la nôtre ait pu oublier totalement l’écriture… sans doute une des conséquences du Grand Cataclysme de 2051… peut être qu’on ne l’a pas oubliée mais qu’elle a fini par devenir inutile, tout simplement… ce sont les grands mystères de l’évolution… qui ne font pas beaucoup avancer notre étude. Je ne vois pas comment nous pourrions tout déchiffrer dans les temps. Si jamais nous n’y arrivons pas, j’ai une petit idée de conclusion, ça vaut ce que ça vaut, mais c’est déjà ça : « L’écriture SMS est la quintessence de la langue écrite, qui expurgée de toutes ses fioritures, a fini par se dissoudre d’elle-même pour atteindre le stade ultime de la télépathie ».

Êlļe ešt cổmplễtement aßsốrbée pặr l’étuđe, c’est norm@l qu’eļłe ne s’iиtểrяesse păs à mỏi… il ſaủt quể j’ắrrîvẹ à lui expłíզuer ce qυi м’arrίve… αprȅs tσut, c’εst aυssi uη مeu à ςause d'eاle, iا fаنt գu’эlle يacիe…il fauե զu’eւle ო’aide.

-Τυ դε τrهυves ράs, զሀ’iا λ a queІqυε ςнoᵴe dε вiẓaṝre äuj ۀuяd’ḩui ? Non… qu’est-ce que tu veux dire par là ? le texte est bizarre, ça c’est sûr ! Nởn נe חe קaяle pàs du τeжte, τừ ne reیsens ρẫš ɋuẹlqцe chờse de bịzarre, ằ ļ’iлtéríeur đe toi ? Ah… non, c’est juste étrange de commencer les études, d’être connecté avec toi, d’ailleurs, oui, tu es parfois bizarre et je n’arrive pas toujours à bien saisir ta pensée… Vớilà, ¢’ešt exăcтemệnt ce quĩ m’arríve ầussì, depưis quế noửs soшmẹs conñectés, jẽ ne sậis pas če quị m’ắrrive, je sềns мợnter en mồi đes cнosếs… uп dềbit ịncroỹaßļe, une ßanđe passẳnte trểs larğe et des ễchangeš neurôậtomîques contìиus… pás tối ? Euh…pas vraiment, non… en fait c’est surtout toi que je trouve bizarre parfois. Măịs… c’ẽst tạ pệиsée quỉ mẽ troußļề, ełļệ ẻšt, ếñfỉй tữ ễs sĩ… coოмẹnt đîrệ… từ ếs sị sịლplế, ẽt… šị nằturệļłệ, €nſìn… c’ệst სỉэn ! D’accord… merci, mais pourquoi est-ce que tu penses à tout ça ? لe nპ کặĩs مặš… pბنr քტữvồîr… ëղfỉn, ợդ pớվrrặỉե… cፀnፐiከũẹr d’ếchánğẹr énsêmblế, ẽnfìn jệ vễưx đîr€ cớntîñữẹr d’ằvỡịr čệttẹ łịẳíšợñ ễt… Ok, d’accord, mais c’est ce que nous faisons depuis le début non ? et puis je te comprends de moins en moins bien. Θυι, ρằrδόη, c’εst vrάi, эиғιη πθn ! jẽ vỡμđяắíš qửê, tυ vσĩš ηơụs sỗyởns vrẳíო€nт ļíếš pặr… ẹt pûịš… jê η’ếñ šẩĩs rîểη, l@ísse τθოხᶓr, ởứßłỉệ ςá…

 

-Mẫ3łíằ ? Ởù ẽš-եư, յ’ảî քệrđư łẻ ֆĩgnầl, եự ềs ļà ? Ȑệviểրs, ʝê Ե’€ñ ȿцקּρɺᶖҽ !

 

-Je suis là mais je ne comprends presque plus rien à ta pensée. Le mieux serait de faire une pause je pense… tu m’as l’air épuisé ! de toute façon, on n’avance pas beaucoup. M%sh tu es là ?

-M%sh ?

-M%sh ?

-ἒἵὸὯ╫Ⱶῶς%*¨/§ █…

 

 

 

 

Ma3lia essaya plusieurs fois de rétablir la liaison sans succès. Affolée, elle avertit le Doyen qui appela le médecin universitaire. Après une brève analyse cérébrale il déclara la cessation mentale et la mort de M%sh. La cause du décès ne put être déterminée avec précision. Chaque génération devenait de plus en plus fragile, comme si l’humanité se désagrégeait peu à peu. L’esprit de M%sh était retourné au néant dans un tourbillon incontrôlable, emporté par la passion, le stress, le désir, un fidèle compagnon, un ami plus sûr, un monstre sournois qui avait fini par dévorer son maître.

21 octobre 2017

1692

Un concours sur le thème du doute.

 

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John avait soif. De rhum et d’action. C’était sa première sortie depuis son amputation. Sa première taverne. Il avait bu des litres de rhums ces derniers mois pour supporter les douleurs, mais celui-ci aurait une saveur différente. Celle de la liberté retrouvée. Et même si c’était une liberté de boiteux, c’était bon.

L’année avait mal commencé. 1692. Jamais il n’aurait cru vivre aussi longtemps. Il faisait ce « métier » depuis plus de dix ans. Très peu de pirates survivaient plus de trois ans. Il avait eu de la chance, jusqu'à cet abordage, début janvier.

Il eut un haut-le-cœur et se retint de vomir. Les rues empestaient les égouts. Trois mois à vivre dans le coton de sa chambre, et son odorat était devenu délicat. Il avait réussi à boiter jusqu’au bar. C’était déjà bien. Il était resté concentré comme jamais pour ne pas trébucher.

Il était heureux d’avoir revu les trois squelettes pendus à l’entrée de la baie, soi-disant pour dissuader les pirates. Encore une niaiserie du gouverneur. Qui aurait peur de ces quelques ossements ? Au contraire, à chaque fois qu’il les voyait, il se réjouissait d’être encore en vie et de ne pas se balancer au bout d’une corde.

 Il n’aurait pas dû passer devant le « Moulin Galant ». Il n’avait pas vu Kitty mais il avait reconnu le petit blond qui jouait devant le lupanar. Soit disant son fils. Comment pouvait-elle en être sûre ? Il était peut-être temps qu’il s’occupe de sa descendance. Quelques pièces feraient l’affaire. Le petit était bien mieux au bordel qu’avec lui dans les bars.

Le rhum était bon ces temps-ci à Port Royal. La prospérité coulait à flot sur la ville la plus dépravée de la chrétienté. La journée touchait à sa fin. La brise des Caraïbes atténuait la chaleur du mois d’avril. La taverne se remplissait peu à peu. On allait vite étouffer là-dedans. La sueur des hommes, le parfum des filles allaient mettre son odorat à l’épreuve. Mais la fête serait bonne, une fois de plus.

 

Pour la première fois de sa vie John n’avait pas pu dépenser tous ses gains. Il avait fait son meilleur coup. Il était riche et ça lui avait couté une jambe. Il voulait embarquer à nouveau pourtant il commençait à se demander si tout cela valait bien la peine. Il avait besoin de l’adrénaline de l’action mais il avait peur de perdre sa nouvelle vie de nanti, ici à Port Royal.

Parfois, il avait l’impression qu’il pourrait passer le reste de ses jours entre les bordels, les salles de jeux et les bars de la ville. Quelques pugilats pour se dégourdir. Il n’avait plus rien à prouver à personne, il avait fait tout ce dont rêvent tous les pirates : naviguer, piller, commander, forniquer, boire, s’enrichir. Il n’avait plus le droit à l’erreur : s’il perdait son autre jambe, il aurait l’air de quoi ? il irait chez les filles dans un chariot à roulettes ? depuis qu’il pouvait à nouveau sortir, il avait peur. Il était bien obligé de s’avouer qu’il avait peur. Il avait sauvé son honneur quand la scie s’était enfoncée dans sa chair. Il avait à peine hurlé, ne s’était presque pas débattu. Mais aujourd’hui il ne savait plus où il en était. Il pouvait tout arrêter, avec ce qu’il avait pris, personne ne pourrait le lui reprocher. Mais il avait peur de tourner en rond.

C’était un pirate !, un vrai !, pas un commerçant, ni un barman ou un croupier. Et un pirate il lui faut de l’action, de l’aventure. Mais pourquoi et jusqu'à quand ? pour s’enrichir. Ça, c’était fait. Jusqu’à la mort ? si on pille pour le plaisir, autant laisser le butin sur place. Il doit y avoir une vie après la piraterie. Mais John ne savait pas laquelle.

 

-John ! De retour ! Je te paye un verre !

-Billy… encore en vie…

-Ouais, mon vieux et j’ai du nouveau. Billy avait son éternel sourire au coin des lèvres.

-Rien n’est vraiment nouveau sous ces tropiques.

-Un coup terrible et facile. J’ai besoin de toi.

-Laisse tomber, je suis rangé des affaires. John en eu la nausée : jamais il n’aurait cru être capable de prononcer une telle phrase. Jamais il n’avait dit non à un bon coup.

-Ecoute ça : le banquier de la Floyd va transporter les perles du trésor de Emry, incognito, en diligence vers les terres. On a juste à le cueillir. Il y en a pour plus de 500 perles.

-Avec la jambe de bois, je ne vais pas à la cueillette, je vais gêner.

-Au contraire, tu seras dans la diligence avec lui et ta jambe te donnera l’air inoffensif.

-Arrête un peu, tout le monde me connaît ici. Ils savent tous que je ne suis pas inoffensif. Il vida son verre. Il faillit tout recracher. Il était écœuré du rhum ! Il en avait trop bu ces derniers mois. Une gueule de bois thérapeutique.

-On va te déguiser, tu n’auras rien à dire, rien à faire, juste monter avec le banquier, le braquer pendant l’embuscade. Après ça, j’arrive, on achève tout le monde et tu prends dix pour cent.

-Je ne me déguise pas. J’ai l’air assez ridicule comme ça. Et je ne travaille pas à moins de vingt pour cent. Et qui me dit que tu ne vas pas en profiter pour me refroidir avec le banquier ?

-Ecoute, on se connait depuis toujours ! On a fait un paquet de coups ensemble. Tu crois que je pourrais te tuer ?

-Oui, je te connais bien. Ce ne serait pas ta première trahison.

-Ok, tu veux une garantie? Tu pars avec Jane, et quinze pour cent.

-Tu serais capable de massacrer ta propre mère, tu crois que je vais me sentir protégé par ta cocotte préférée ? Tu crois qu’il me faut une baby-sitter ?

-Jane c’est tout ce que j’ai ici. Tu sais bien qu’elle n’a pas froid aux yeux. Je suis à sec, il me faut faire ce coup. Ecoute, si tu as peur, il te suffira de la serrer de près, tu sais bien que jamais je n’abimerais la plus belle poitrine du Nouveau Monde.

 

Jane avait dégrafé un peu son corsage. La diligence étouffait dans la moiteur de juin. Ils avaient comme prévu quitté Port Royal en fin de matinée. Deux commerçants bien gras avaient acheté leur billet au dernier moment. Ils étaient donc cinq, en route vers Morant Bay.

Le plan était simple: Billy les attendrait  un peu avant le croisement avec la route d’Easington. Il tuerait le cocher, John le banquier. Ils rentreraient tous les deux avec les perles à Port Royal. Jane resterait sur place pour embobiner les autorités qui ne tarderaient pas à arriver.

Le  banquier faisait semblant de dormir, les deux gros discutaient entre eux, John était troublé. Finalement il était plutôt heureux d’être là. Cette affaire ne s’annonçait pas si mal. Mais il ne pouvait s’empêcher de se demander pourquoi il avait accepté. Il aurait très bien pu rester à Port Royal, s’occuper de Kitty ou de son fils…75 perles de plus ou de moins... Peut-être que le gout du risque le titillait encore, ou alors il voulait réussir un coup avec une jambe de bois. Infirme mais impitoyable…

Sa fausse moustache le grattait.  La perruque, c’était pire. Son pied manquant lui faisait mal. Quand Jane le regardait, elle avait du mal à s’empêcher de rire. C’était ridicule et pénible. Il n’avait pas su refuser.

 

Ils approchaient du croisement. C’était pour bientôt. La première balle claqua. Ils entendirent tomber le corps du cocher. John pointa son arme sur le banquier. Il allait tirer. Ses yeux croisèrent ceux de sa victime. Il fallait qu’il tire. Les deux autres hurlaient comme des veaux. John était comme paralysé, le banquier aussi. Il n’arrivait pas à appuyer sur la gâchette. Il avait les mains moites. Les chevaux paniquaient, la diligence branlait dans tous les sens. Billy tiraient sur les chevaux qui, dans leur élan, se jetèrent dans le fossé. Après quelques tonneaux, la diligence s’immobilisa sur son flanc dans un immense fracas de poussière, de sang et de cris.

La tête d’un des commerçants explosa contre la portière. Il mourut sur le coup. Son corps gros et gras amortit la chute de Jane, qui s’en tira avec quelques égratignures. John atterrit sur Jane. Le banquier tomba la tête la première sur l’abdomen de John et le gros commerçant qui s’époumonait lui roula dessus, son ventre mou s’enfonçant sur son visage.

Jane, tout au fond de la mêlée, avait pu sortir sa dague de sous sa jupe. A bout de bras, elle la planta dans la gorge du banquier.

Billy arrivait en courant tout content, son sourire au coin des lèvres. Il sauta sur la diligence, ouvrit la portière. Sans hésiter il acheva le gros qui restait.

- Enfin un peu de silence. Billy commença à dégager les morts.

-Tu as eu peur John, ou tu n’as pas pu t’empêcher de lui renifler le corset ?

John s’extirpa difficilement de cet amas de corps. La perruque à moitié défaite, la fausse moustache de travers. De rage, il tira sur Billy. La balle lui transperça le crâne. Billy mourut avant d’être surpris, son éternel sourire au coin des lèvres.

 

Jane posa délicatement le plateau sur la table. Salade de crabe et Bourgogne 1687. John en avait acheté une des premières caisses jamais livrées à Port Royal mais il faisait trop chaud pour boire du vin. L’air du large s’engouffrait dans leur spacieux salon sans pouvoir le rafraichir. Depuis leurs immenses fenêtres, la vue sur la baie et les squelettes pendus était magnifique. Seules les odeurs infectes montant de la rue venaient troubler leur confort. Indifférents à la chaleur et à la puanteur, leurs trois perroquets cancanaient dans leurs cages.

John avait dû accepter toutes les conditions de Jane. Elle le tenait. Il aurait dû la tuer elle aussi dans la diligence. C’était la seule qui savait. Sa réputation était entre les mains de Jane. Si elle parlait, tout Port Royal saurait qu’il avait été lâche. Pourquoi n’avait-il pas pu tuer ce banquier ? Il était temps d’arrêter. Ou alors, il lui fallait un dernier coup. Pour finir sur une bonne note, pour tuer sans arrières pensées.

Il avait pourtant accepté la proposition de Jane : le mariage contre son silence. Elle avait arrêté de travailler. Ils s’étaient installés ensembles. Finalement, cette première moitié de l’année avait été compliquée mais il s’en tirait plutôt bien. Il verrait grandir son fils, le petit blond, devant le Moulin Galant et s’occuperait de ses perroquets. Il ressasserait un peu les souvenirs de sa vie d’avant. Il ne pouvait plus avaler une goutte de rhum, il s’était mis au vin. Heureusement il avait toujours eu un faible pour Jane. Il n’allait pas se plaindre d’être avec elle. Il allait finir par réussir à profiter de sa nouvelle vie. C’était calme bien sûr. Et triste à mourir.

Perdu dans ses pensées, il regardait le fond de son verre de vin. Il ne perçut pas la première secousse. Il leva la tête vers les perroquets, porta le verre à ses lèvres, et tout s’écroula.

C’était le 7 juin 1692. Un terrible tremblement de terre secouait Port Royal, 5 hectares se retrouvaient sous l’eau et 3000 habitants mouraient dans la catastrophe.

14 janvier 2017

Têtes de l'art

 

 

 

La maturité de l’homme, c’est d’avoir retrouvé

 le sérieux qu’on avait eu au jeu quand on était enfant.

 Nietzsche

 

 

 

L’angle est cassé ; la rue vide, les immeubles gris, le parc à moitié à l’abandon, et au loin vaguement, le centre-ville. Il s’assoit, à même le béton humide qui recouvre tout le paysage et sort une boite de lego. Les couleurs tombent sur le trottoir, inondent la grisaille environnante. Méticuleusement, il commence à poser une à une des petites briques dans l’angle. Il va le réparer, le colorer, l’embellir comme jamais il ne l’aurait été si il ne s’était pas cassé. Comment tous ces gens vivent ils sans couleur dans cette banlieue maussade ? A l’angle cassé du gros pilier qui soutient la grille de l’entrée du parc à moitié abandonné, il apporte de la couleur, de l’art, des questions aussi sur la pertinence de la présence de Lego dans le paysage urbain. Absorbé par sa création, il choisit, organise et assemble avec soin une cinquantaine de petites pièces, une sorte de grand tetris en trois dimensions.

Il s’accorde une pause, prends deux pas de recul, et une première photo qu’il publie dans la foulée sur le réseau. Le temps d’allumer sa cigarette, et déjà son téléphone vibre, un premier commentaire sans doute. Il s’empresse d’ouvrir l’application. « Quand la nature imite l’art ». C’est le titre du message qui apparait sur son téléphone. Il est pollué par les photos de ses amis virtuels qui s’affichent sans qu’on leur demande. Il voit le sourire radieux d’une amie d’enfance, en vacances au Canada et derrière elle, un ciel vert, jaune et rouge. C’est vrai que c’est beau. Les couleurs ...mais rien à voir avec  l’art : c’est une simple aurore boréale.

Une pièce jaune, de trois sur deux, puis une verte dans le coin, et la petite rouge pour finir la rangée, ça commence à tenir, ça commence à ressembler à quelque chose. Tiens, c’est étrange, il a utilisé les mêmes couleurs que celles du coucher de soleil canadien, jaune, vert, rouge. Il s’est laissé infuser par la photo…parfois on ne maîtrise pas ses influences.

Il veut faire rêver les gens, apporter sa touche de couleurs à ceux qui vivent dans cette banlieue maussade ou qui le suivent sur internet. Tous ces gens qui comme lui pourraient colorer le monde mais qui ne le font pas alors que c’est si simple avec quelques petites briques bien placées dans un angle, un petit trou dans un mur ou une fissure sur les marches d’un escalier.

Son travail d’artiste va bien au-delà de la couleur, il le sait bien, c’est un vecteur qui crée du lien entre l’homme et son patrimoine architectural. Il veut montrer que tout bâtiment construit par l’homme, même dans les banlieues le plus grises, fait partie de son patrimoine et qu’il faut le voir comme une œuvre en soi.

Il est seul, assis à même le trottoir, dans l’après-midi gris et vide d’une cité dortoir, il est au cœur de l’humain et de ses préoccupations fondamentales. Tous ces gens qui verront son travail quand ils rentreront chez eux ce soir ne savent peut-être pas qu’ils ont besoin d’art dans leur vie autant qu’ils ont besoin d’eau, d’air ou de rêver, ils ont besoin  de son art, de ses couleurs, de ses Lego. Ils s’interrogeront sur l’arrivée de cette œuvre étonnante dans leur quotidien, se questionneront sur la couleur, sur leur quotidien, ils chercheront peut-être des renseignements sur le réseau. Il aura fait son travail, un vrai travail d’artiste.

Il se replonge dans son application, et encore une fois apparait l’image du ciel canadien. Sa communauté d’amis commente son voyage avec envie et admiration. C’est naturel, les gens aiment savoir quand nous sommes loin d’eux, une part de rêve, du voyage. Comment ne pas s’extasier devant ses couleurs, ses jaunes, rouges et vert ? C’est triste, les gens ont besoin de trouver un sens à leur vie. Et ce sens, ils ne le voient pas, il est juste devant eux, un peu de couleur dans le gris de nos villes, c’est simple, et tout s’illumine, sans partir si loin, apprécier ces petites choses, profondément humaines, colorées, et artistiques.

Jamais il ne photographierait une aurore boréale comme son ami. Si il était au Canada, sous un ciel pareil, il s’en servirait pour ce que ça doit rester : un fond coloré, très beau, au-devant duquel l’homme, l’art, doit vivre et faire rêver. Il construirait un igloo et en détruirait un petit bout pour y insérer des Lego. Ça serait sans doute une belle photo : au premier plan ses couleurs chanteraient dans l’immensité nordique et répondrait aux couleurs de l’aurore boréale, dans une réconciliation colorée entre l’art et la nature, mais où celle-ci serait comme domestiquée, en toile de fond de l’œuvre où l’Humain et l’Art resteraient au centre des préoccupations.

Déjà trois commentaires sur sa photo, son réseau commence à palpiter. Ainsi naissent les légendes urbaines. Evidemment on peut voyager à l’autre bout du monde, faire rêver les gens qui restent ici mais une idée créatrice comme la sienne peut aussi embraser la toile. Il est déjà suivi dans le monde entier, il a des émules qui eux aussi illuminent la grisaille des pays du Nord ou le quotidien plus chaud des pays du Sud. Son travail plait, il le sait et commence à porter ses fruits. C’est un juste retour des choses, de son talent, de sa persévérance à réparer des angles, des murs ou des trous dans les chaussées.

Et tout ça n’a rien à voir avec cette amie d’enfance qui voyage certes dans des endroits magnifiques et observe des phénomènes rares. Ses couleurs sont belles, c’est indéniable mais vides. Ses couleurs sont vides d’une humanité qui les organise, qui les agence artistiquement et leur donne du sens, une humanité qui pense l’Art. Tout le monde ne peut pas avoir son talent.

Encore trois ou quatre pièces et il aura fini de réparer l’angle cassé du pilier du parc. Il est toujours un peu ému quand s’achève une colorisation, quand elle prend forme sous ses yeux, et au-delà de cet après-midi grisonnant, il voit sous ses yeux, naitre une œuvre puissante et personnelle : son œuvre. Il fait ce qu’il doit : il s’adonne au don qu’il a reçu, humblement, sincèrement et passionnément.

Il prend une dernière photo de l’angle à présent complètement coloré et réparé. Il a déjà reçu des appels de grands journaux internationaux qui s’intéressent à son travail. C’est naturel, le monde a besoin de rêver, il s’intéresse à son don. Il répond humblement à toutes les sollicitations et leur suggère même parfois les titres de leurs articles. Sa légende urbaine est née et se propage dans le monde entier. C’est naturel, un juste retour des choses, ce n’est pas pour rien qu’on le surnomme déjà le « Basquiat des jouets », le « Picasso des angles cassés » ou le « Michel-Ange des Lego ».

 

****

 

L’enfer est dans les détails.

Nietzsche

 

L’angle est cassé ; la rue vide, les immeubles gris, le parc à moitié à l’abandon, au loin vaguement, le centre-ville. C’est assurément un bon endroit pour colorer un angle. Il est seul dans l’après-midi désert d’une banlieue grisonnante. Il s’assoit à même le béton et sort de son sac à dos les premières pièces d’un jeu de lego. Il n’a jamais aimé cet instant, celui où il faut se mettre à l’œuvre. Il a toujours un peu d’anxiété à investir un lieu public pour y développer son projet, mais en quelques mois d’expériences il a accumulé un peu de confiance, et il est heureux de se sentir seul ce jour-là, devant l’angle cassé de la grille d’un parc de banlieue.

Après avoir placé les trois premières rangées, il s’accorde une pause, une cigarette et sort son téléphone. Il lui faut poster une photo sur les réseaux sociaux, c’est le prix à payer pour fidéliser la communauté de tous ceux qui développent son projet. Les premiers commentaires de ses amis virtuels ne tarderont pas, sans doute un peu insipides. Comment leur en vouloir ? Son projet n’a rien d’extraordinaire. Il se contente d’amener un peu de couleur dans les espaces urbains. Quelques Lego pour combler un petit trou dans un bâtiment public, pour reconstituer l’angle cassé d’un pilier ou aplanir les aspérités d’un trottoir. C’est tout simple : il aime apporter un petit détail coloré dans le quotidien parfois un peu gris des gens.

Il doit répondre aux messages de ses amis, ne pas les faire attendre. En ouvrant son application, apparait une magnifique photo d’une aurore australe publiée par une de ses relations en vacances en Nouvelle Zélande : l’horizon embrasé d’un feu vert, jaune et rouge sous le ciel constellé d’étoiles du Sud. Les couleurs sont d’autant plus belles que le phénomène est rare. La beauté éphémère, la force et le mystère de la nature résumée en une seule photographie. Peut-on reproduire de telles émotions dans une œuvre d’art ? On peut toujours en rêver… C’est le moteur de sa vie : rêver, et aussi transmettre un part de son univers intime, au travers de ces petites pièces d’un jeu inventé par un charpentier danois dans les années trente.

Il aurait dû insister pour que son ami apporte des Lego avec lui. La photo aurait fait de l’effet sur le site du projet. Sous le ciel flamboyant, quasi mystique de l’aurore Néo-Zélandaise, la pureté  d’un jeu d’enfant, insignifiantes traces humaines répondant aux souffles impénétrables des couleurs célestes.

Mais il s’emporte. Il est parfois trop lyrique, il le sait. Il s’accroupit, ses genoux craquent, il se remet à son angle. Il aimerait finir avant la nuit, pour que les gens puissent voir ses couleurs avant de rentrer chez eux. Beaucoup n’aiment pas ce qu’il fait, c’est bien normal. Tout le monde n’est pas sensible à l’art contemporain. Il n’aime pas sentir le dédain que son projet suscite parfois. Pourtant l’art existe aussi pour ça, pour étonner, faire réagir, c’est important, il le sait, assez important pour surmonter sa gêne et aller poser ses petites briques un peu partout dans le monde, au grès de ses différents voyages. Il a l’impression de s’être fait une petite place dans la société, pas une place d’artiste, le mot est trop fort, mais enfin, il a trouvé sa voie. C’est tellement compliqué, après des études d’art plastique, il faut trouver un projet, et surtout savoir le vendre. Les membres du réseau des anciens étudiants de son école l’ont bien aidé, sinon jamais il n’aurait atteint le début de notoriété qui est la sienne aujourd’hui. Même un grand rêveur comme lui n’aurait jamais imaginé qu’un jour des médias internationaux s’intéressent à ce qu’il fait.

Pourquoi se plaindrait-il de ce succès ? Son projet est connu sur les cinq continents, des gens de toutes générations se photographient en train de poser des lego en bas de chez eux. C’est si simple de créer un peu de lien, ça ne va pas changer le monde, mais il apporte sa modeste contribution. Les ventes sur son site ont explosé. C’est trop cher, il le sait, mille trois cent euros pour une photo de lego incrustés dans un mur, mais selon ses amis ce sont le prix du marché. Il a pérennisé son projet, c’est beau ! Il avance enfin dans sa vie.

Il ne lui reste plus que deux rangées à placer, en coinçant bien la dernière et l’angle sera réparé et coloré. Du jaune, du vert, du rouge, sans s’en apercevoir il a utilisé les mêmes couleurs que celles de l’aurore australe néo-zélandaise. Il est vraiment trop influençable, tout le monde le lui dit…il faut dire que quand il place ses Lego, il ne pense plus à rien de précis, il laisse son esprit divaguer librement. En tout cas, il n’a pas eu l’impression de penser à la photo de son ami, il était plutôt préoccupé par l’interview qu’il doit donner prochainement au grand journal national. Il espère que les questions ne seront pas trop piégeuses, et qu’il saura y répondre sans trop se ridiculiser. Ce n’est pas la partie de son travail qu’il préfère mais c’est le prix à payer, il le sait pour continuer dans la direction qu’il a choisi. Sans parler de talent, d’Art ou de création, il sait aujourd’hui ce qu’il veut, et c’est déjà beaucoup.  Et ce qu’il veut c’est tout simplement apporter un modeste grain de sable, presque enfantin, dans l’océan parfois tourmenté et obscur de l’art contemporain.

 

****

 

   L’angle est cassé ; la rue vide, les immeubles gris, le parc à moitié à l’abandon, au loin, vaguement, le centre-ville. C’est parfait, il n’y a plus qu’à s’y mettre. Il fait froid mais ça va aller. Il se sent un peu seul, au milieu de cette banlieue grise, devant le pilier d’un parc dont un angle est abimé. Il va le réparer, cet angle en plaçant des pièces de Lego. Un peu de couleur dans la grisaille environnante, ça ne peut pas faire de mal. Il s’accroupit, sort les premières pièces de son sac à dos. Ses mains sont engourdies par le froid, normal qu’il n’y ait personne, il faut être un peu débile pour jouer dehors au Lego par un froid pareil…c’est ce qu’il a trouvé de mieux à faire pour aujourd’hui, il faut bien que son projet avance un peu. Il préfère quand il y a du monde autour de lui, c’est plus agréable de discuter, on ne peut pas dire qu’il faille être très concentré pour faire ce qu’il a à faire. Ce qui est intéressant, c’est de partager. On le prend au mieux pour un cinglé, au pire pour un attardé mental qui joue encore à des jeux de gamins. C’est normal, après tout personne ne l’oblige à faire ce qu’il fait : poser quelques couleurs dans l’espace public souvent gris de nos villes ou de nos campagnes.

Il prend une photo, et pour se sentir moins seul la publie sur Facebook. Ca va se déchainer en commentaire, ils le prennent un peu pour un gourou. Son idée était pourtant bien simple, pas de quoi en faire des tonnes, mais ça plait au public. C’est ce qui fait sa force. Partout dans le monde, des gens posent leurs petites pièces de couleur, prennent des photos et les publient sur la toile. Au moins pendant ce temps, ils ne font pas de conneries, enfin si jouer avec des briques de couleur n’en est pas une…le jour où un allumé escaladera tout en haut de  la Tour Eiffel pour se photographier avec ses Lego, espérons qu’il ne se fera pas mal. Et si quelqu’un fait ça sur le mur des lamentations, ou dans une centrale nucléaire, ou sur le porte avion Clemenceau ?

« Aurores équatoriales, l’or est à la mer»…Qui a posté un titre pareil ? Il faut dire que la photo est belle : un soleil jaune qui se lève au milieu d’une mer noire, un ciel ambré et nuageux. C’est Fred qui poste depuis la Guyane. Il arrive à se lever à l’aube, ce grand fainéant, c’est que ça doit rouler pour lui là-bas ! Ou plutôt, il a fait nuit blanche et comme il tient toujours aussi bien l’alcool, il a eu la lucidité de prendre la photo sans trembler. Evidemment, il n’avait pas de lego sur lui. Rien de grave, un coup de Photoshop et la photo pourra être sur le site : rajouter un peu de rouge pour le ciel, ce sera plus beau, et sur la plage mettre une petite plaque avec quelques Lego de la même couleur. Si le montage est bien fait, ça passe et on laisse comme ça, sinon ça restera une sorte de blague, du genre « quand le réel, le virtuel, la supercherie, l’authentique, le jour, la nuit, le ciel et la mer s’unissent par la magie des couleurs d’un jeu d’enfant ».

Il se remet à la tâche. Il veut finir avant la nuit, et poster le résultat dans la foulée. Ça fait un moment qu’il n’a rien fait, il est temps de montrer à sa communauté de suiveurs qu’il existe encore, qu’il est le Maître, le Master of the lego in the web. En fait, il pourrait arrêter aujourd’hui, son projet est lancé, il marche tout seul. Le monde est fou, même les journaux « sérieux » à grand tirage parlent de lui, comme si il n’y avait rien de plus important comme information. Ça l’arrange, tout le monde est content, ses ventes de photos explosent, et vu le prix qu’ils sont prêts à y mettre, il n’a pas à se plaindre. C’est juste une question de mode, et aujourd’hui ça tombe sur lui, et c’est tant mieux. Qui aurait cru qu’il aurait un jour du succès ? Comme quoi, même en se lançant dans des études d’art parce qu’il ne savait pas quoi faire de mieux, il était arrivé à quelque chose. Il est invité de partout, et des tas de gens de tout âge l’imite parce qu’il est passé au journal de vingt heures : on a tous des lego à la maison, et partout, il y a des trous à boucher dans les murs.

Finalement, c’est ça qui est beau : des gens concentrés sur ces petites pièces, à essayer de les faire tenir dans un trou. Il faut arrêter de croire que c’est de l’art, ce qui est beau c’est le geste créatif, c’est ça qu’il veut qu’on voit sur les photos de ses amis en action, la paix qui émane de leur concentration. Son projet en lui-même ne vaut pas grand-chose mais ce qu’il génère est positif. C’est déjà pas si mal. Il préfère largement un projet communautaire, sans prétention où chacun peut participer, plutôt que de peindre des croutes avec une explication pompeuse et s’enfermer dans une galerie pour essayer de les vendre comme de l’art conceptuel.

Voilà, c’est presque finit. C’est dôle, il n’a utilisé presque que de jaune et du noir, comme sur la photo de Fred (à part dans le petit coin, à gauche où il a mis pas mal de vert, de rouge et de bleu). Même à des milliers de kilomètres, il reste connecté avec ses vieux amis d’enfance, c’est beau.

Pas sûr que ça tienne, et sans doute qu’un petit du coin viendra lui en chiper quelques-uns. Au moins il aura fait un heureux. La photo est prise, ça va faire une nouvelle page sur son site, il est content, il range son matériel et va retrouver ses amis en ville, parce qu’on va pas passer notre vie à se prendre la tête sur trois rangée de lego, non ?

 

 

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